Médailles religieuses et objets de dévotion

Médailles religieuses et objets de dévotion

Etude d'une exceptionnelle médaille belge du XVIIe siècle

A/  SANCTA.ANNA.TE.BOTELAR.

(Latin et Flamand : sainte Anne à Bottelare)

 

L'enfant Jésus entouré de deux grands personnages et de deux plus petits qui se trouvent sur un dallage.

 

R/  S.ANNA.T.BOTELAR.

(Flamand : sainte Anne à Bottelare)

 

Trois personnages, dont deux qui se trouvent devant une ballustrade, sur un dallage et un derrière, au-dessus deux anges portent une guirlande, à droite des fleurs.

 

Le tout consiste en deux  petites plaques ciselées en argent, maintenues ensemble par  une bordure à pointes en argent qui présente des croisettes incisées sur le bord.  Bélière rattachée par un petit rectangle, avec sur l'avers un poinçon illisible.

 

Poids:  12,7 g

 

Cette médaille aurait a été trouvée avec des monnaies de Charles II d'Espagne (1665-1700).  Mais ces monnaies circulaient encore au XIXème siècle.  Il est donc difficile de dater sur cette base.

 

Bottelare, une section de la commune de Merelbeke, près de Gand, est encore aujourd'hui un lieu de pélerinage où la dévotion de sainte Anne reste très vivante.

 

De quelle époque est la médaille, pourquoi, pour qui et où a-t-elle été fabriquée ?

 

1. Question:  médaille qui est-tu ?

 

On peut  lire dans la littérature de la numismatique religieuse qu'à partir de 1600 ces médailles ne sont plus unifaces, mais bien à double face et qu'au début elles consistaient en de petites plaques soudées ensemble, frappées au marteau à la façon des bractéates.

 

Au Cabinet des Médailles de Belgique (collection de 19 000 médailles religieuses), cette médaille était inconnue. Un autre cabinet la date avec certitude au XIXème siècle, la datation cependant étant difficile, un modèle de médaille pouvant avoir été repris pendant 100 ans (Note du Blog : le style, la méthode de fabrication et le style de bélière plaident sans ambigüité pour une datation XVIIe siècle).

 

On est frappé par le fait que les figures de la médaille sont placées de manière géométrique, comme sur les tableaux anciens.  La Revue belge de Numismatique de 1879 (RBN) a publié un article de R. Serrure sur "Bottelaere, son église, sa numismatique".  Y figure, parmi d'autres médailles de Bottelare cette médaille (variante : petite différence pour la bordure et la bélière).

 

L'article nous apprend que :

-          l'image du revers reprend le tableau l'"Education de la Vierge" de P.P. Rubens (actuellement au Musée Royal des beaux-Arts à Anvers);

-          la pièce daterait du milieu du XVIIème siècle;

-          Il s'agit peut-être de la médaille d'inauguration de l'église (en effet, l'église avait été reconstruite de 1641 à 1663 et fut placée sous la protection de sainte Anne);

-          la pièce a été publiée dans le catalogue de la collection Minard de Gand (la collection Minard a été dispersée; il n'a pas été possible de retrouver cet autre exemplaire).

 

2. Question : Médaille que dis-tu ?

 

A/  Sainte Anne trinitaire (c'est-à-dire Anne, Marie et l'Enfant Jésus), des deux cotés un pélerin agenouillé.

 

R/  Le sujet central figure dans un jardin entouré d'une ballustrade, le hortus conclusus (clos fermé), qui est le symbole de ce qui est intact (l'image date de la renaissance).

Au centre est assise sainte Anne, qui met sa main sur le dos de la jeune Marie qui se trouve à coté d'elle.

Marie tient la bible à la main.

A droite un rosier sans épine renvoie à l'Immaculée Conception de Marie.

A gauche derrière la ballustrade se trouve saint Joachim, le mari de sainte Anne.

Au dessus, deux putti (l'image date de la renaissance, mais est une reprise du Cupidon des Romains) couronnent Marie de roses en tant Regina Caeli (Reine du Ciel) ou bien en tant qu' "Epouse du Christ".  En effet, en méditant sur l'Assomption, les spirituels médiévaux reconnaissaient l'accomplissement de la relation sponsale de Marie avec le Christ-Epoux. L'épouse du Christ est également l'Eglise elle-même.

 

Le tableau de Rubens est probablement postérieur à 1627.

Le lieu de garde historique en était l'église du couvent des Carmélites déchaussées à Anvers. Après 1794, on  admirait le tableau à Paris, Waterloo l'a rendu à Anvers.

 

Serrure parlait également du couvent des Carmélites chaussées fondé en 1667 par Bertolf de Paix et sa soeur Josine pour favoriser la dévotion à sainte Anne et aider à l'église.

 

Le tableau de Rubens qui se trouve sur la médaille renvoie donc à sainte Anne, mais également aux Carmélites d'Anvers et à ceux de Bottelare. Les deux pélerins, un homme et une femme richement vêtus, qui se trouvent sur l'avers, ne seraient-ils pas les donateurs qui ont fourni les moyens pour établir le couvent, Bertolf et Justine de Paix ? Plus que la médaille de l'inauguration de l'église de Bottelare, ne serait-ce pas une médaille d'inauguration du couvent ? La construction de l'église avait finalement été financée par un grand nombre de personnes.

 

Le métal couteux employé (l'argent), les moyens utilisés pour sa fabrication, le fait qu'il n'y ait que deux exemplaires connus de cette médaille, font conclure qu'il s'agit ici non pas d'une médaille de dévotion destinée au grand public et effectivement difficile à dater, mais d'une médaille occasionnelle frappée pour un événement particulier dont la date est fixe.

 

Un expert renommé en argenterie ancienne donne Anvers comme lieu de fabrication plutôt que Gand à cause de la riche décoration. Et évidemment, le tableau imité se trouvait à Anvers. Il faut signaler à ce sujet l'existance d'une autre médaille de dévotion, de saint Vincent de Soignies, décrite par A. de Witte en RBN 1904, qui présente le même style et la même méthode de fabrication que cette médaille.  Ceci démontrerait également que la fabrication n'était pas strictement régionale.

 

Dimidov



23/05/2011
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